RASPOUTINE HISTOIRE ET MYSTERE

Un dialogue fictif romancé mais qui reprend la vraie description des Khlysty. Volodia.

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Votre grandeur est mon Seigneur
 
    Très cher staretz,

De nouveau, par le biais de ce site (que je bénis!), je sollicite votre Grandeur. Ma requête est fort simple, elle consiste en deux sous-questions.

Premièrement, on raconte qu'après avoir aperçu la Vierge dans un champ de votre village natal, vous vous êtes lancé dans un pèlerinage vers le Mont Athos. En route, vous vous êtes lié avec une secte... J'aimerais simplement savoir quelle est cette secte et aussi, quelle est sa philosophie?

Deuxièmement, vous avez dit (tout près de votre mort): «L'âme est dédiée toute entière à Dieu, mais, le corps l'est totalement aux hommes!». Votre philosophie de vie m'est apparue comme la plus appropriée pour mêler religion et vie laïque. Vous êtes un exemple de liberté. Dites-moi si c'est le message que vous avez voulu faire passer...

Attendant un signe de Votre Grandeur,

Feu follet (mon patronyme est étrange n'est-ce pas?)

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Cher Feu follet (très joli patronyme, d'ailleurs!),

Vous me voyez une fois de plus, très honoré de pouvoir répondre à vos interrogations, cher ami. Ce site, je le bénis tout autant que vous puisque grâce à lui, je peux enfin me dévoiler et vous parler franchement et librement tout comme je le fais auprès de mes intimes et de mes admirateurs, qui viennent prendre le thé chez moi.

Malheureusement, votre technologie n'est pas à ce point avancée pour que je puisse vous servir, à vous aussi, une bonne tasse de thé bien chaud de mon samovar, mais sachez que j'aurais pris grand plaisir à vous recevoir dans mon salon pour discuter avec vous... J'ai toujours aimé recevoir les gens pour les écouter et parler de vive voix avec eux.

Pour en revenir à vos questions, c'est effectivement à la suite d'une apparition de la Vierge Marie, que j'ai décidé d'entreprendre mon pèlerinage au Mont Athos, en Grèce. J'ai marché des jours et des nuits parfois même, sans manger pendant des journées entières, couvrant des milliers de verstes sur les routes sans fin de la Russie. Tout au long de mon périple, j'ai vécu de ce que les gens voulaient bien me donner, trouvant refuge et hospitalité dans divers monastères ou chez des paysans, dormant parfois même à la belle étoile. C'est au début de ma vie de pèlerin que j'ai pris connaissance de ces nouvelles pratiques religieuses que l'on retrouvait au sein de ces sociétés secrètes qu'étaient les Khlysty. On pourrait dire que j'ai «flirté» avec la secte des Khlysty, sans toutefois en faire réellement partie. Il s'agit en fait, d'un mélange de pratiques magiques, de paganisme et de christianisme.

Ce qu'il faut réellement savoir des Khlysty, c'est qu'il s'agit d'un phénomène exclusivement russe qui est apparu au cours du XVIIe siècle. Selon la tradition Khlyst (qui veut dire Christ), il est dit que chaque homme et chaque femme a le pouvoir de devenir, au cours de leur vie, des «Messies» et des «Mères de Dieu». Pour ce faire, il faut d'abord se débarrasser du péché de la chair et, par les prières et une vie vertueuse, préparer son âme à la venue du Saint-Esprit. Autrement dit, il faut élever son esprit et nourrir le Christ en soi, afin de devenir le Christ lui-même. C'est par la pratique de l'autoflagellation héritée du paganisme (qui n'est pas sans rappeler la flagellation du Christ) que l'on donna à cette secte le nom de Khlysty, qui signifie «fouets» ou «flagellants». Les Khlysty prêchent tout naturellement l'ascétisme le plus extrême par la domination des sens.

Dans certaines communautés cependant, lors de cérémonies rituelles ou lors de réjouissances, l'abstinence et la chasteté peuvent alors faire place à une pratique débridée, le tout accompagné de danses effrénées. Les danses Khlyst consistent à se faire tourner sur soi-même, à un rythme accéléré, tout en psalmodiant des prières, en se signant et en s'autoflagellant, jusqu'à ce que les participants, alors ivres de cette frénésie, tombent par terre. Ceci permet de favoriser la venue du Saint-Esprit. Ces danses fantastiques ont pour effet de produire une ivresse égale à l'alcool, ce que les Khlysty désignent sous le nom de «bière spirituelle». Sans vouloir entrer dans les détails de ces rituels Khlyst, je pourrais ajouter que c'est à ce moment que parfois, les adeptes s'unissent dans l'amour et le péché, afin de se purifier et d'élever leur âme... Vaincre le péché par le péché, telle est la doctrine des Khlysty. Le péché doit cependant, toujours être suivi d'un profond repentir afin que l'âme ainsi purifiée, puisse rapprocher l'homme de Dieu. On peut donc dire pour résumer, que le pivot central de cette doctrine consiste en une alternance permanente du péché suivi d'un grand repentir... Péché - Repentir - Purification. Disons simplement que j'ai «emprunté» quelques préceptes et doctrines de cette secte, parce qu'ils convenaient parfaitement à ma philosophie.

En ce qui concerne ma philosophie de vie, vous l'avez admirablement bien résumé et voici, en fait, les mots que j'ai prononcés: «L'âme appartient tout entière à Dieu, mais le corps, lui, n'appartient qu'à l'homme!» Ainsi, je ne m'en cache pas, il m'arrive à l'occasion d'aller voir les tziganes et les prostituées avec, comme je me plais à le dire, «Dieu dans la tête et le Diable au corps!»

Cordialement,
Grigori Raspoutine

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Mon doux staretz,

Oui, en effet, je regrette que notre maudite technologie ne soit guère plus élevée (l'idée d'être dans le samovar du plus grand moine de Russie me donne tant envie de remonter le temps... On trouvera bien le moyen, un jour...).

Je voulais tant vous contacter, vous parler. Cependant, j'ai été appelé au devoir de tout bon étudiant: les examens!

Vous contacter, non pour des questions aussi importantes, mais pour Une question, toutefois plus osée... La voilà donc cette question: des gens ont osé vous comparer au Christ; bien que vos convictions sur le sujet vous fassent penser que l'on peut tous devenir un «Messie» ou une «Mère de Dieu», ne pensez-vous pas qu'élever, même Vous, Votre grandeur, à ce niveau est une sorte de blasphème?

Je vous supplie de me répondre lestement; chaque jour sans entendre de vos nouvelles est un jour las et triste!

Votre dévoué Feu follet

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Mes salutations, cher Feu follet,

Votre missive m'a fait un peu sourire, veuillez m'en excuser, mais j'avais oublié que vous n'êtes pas très familier avec nos termes russes! Quand je parlais de mon samovar, je faisais allusion à ce genre de bouilloire à réchaud qui fournit de l'eau très chaude en tout temps pour le thé, et que l'on retrouve dans toutes les demeures en Russie. Ainsi donc, je vous disais que j'aimerais bien vous recevoir dans mon salon (kabiniet) afin de vous offrir un bon thé chaud, tout droit sorti de mon samovar, comme il est de coutume en Russie.

Vous avez bien fait de ne pas négliger vos devoirs d'étudiant et vos examens... mes deux filles Matriona et Varvara sont, elles aussi, présentement aux études et je trouve cela très important. J'aurais aimé savoir lire suffisamment pour pouvoir lire les livres sacrés dont regorgent les nombreux monastères que je visite, et aussi savoir écrire et me débrouiller sans avoir recours à l'aide d'une tierce personne pour me tenir lieu de secrétaire, comme c'est le présent cas.

Vous me dites que des gens de votre époque me comparent, moi, au Christ! Je trouve cela aberrant et j'en suis encore abasourdi. Je n'ai rien de comparable à toute la grandeur du Christ, ni même à un saint homme... je ne suis même pas un moine mais plutôt un laïc. J'ignore sur quoi ils peuvent bien se baser pour tenir de tels propos mais je suis entièrement de votre avis. Alors que certains me considèrent comme un démon, d'autres apparemment, me comparent à rien de moins que le Christ lui-même! Moi je vous le confirme, je ne suis ni un démon, ni le Christ... je ne suis qu'un homme du peuple, un sage, un starets, comme on dit en Russie, mais rien de plus qu'un homme.

Bien que j'aspire un jour à me rapprocher de cette sagesse et cette grandeur d'âme qui habite le Seigneur, je ne pourrai jamais l'égaler ni être aussi parfait que lui. Tout au plus, n'en serais-je qu'une bien pâle copie imparfaite, comme nous le sommes tous. Je sais que jamais je ne serai son égal car on ne peut égaler la perfection elle-même. Je ne suis qu'un grain de poussière dans l'univers, un simple paysan sibérien, et le pauvre pécheur que je suis, ne serait même pas digne de nouer la bride de ses sandales. Non, ma place à moi, c'est plutôt d'être son humble serviteur.

Je parle à Dieu dans toutes mes prières et dans tous mes actes, je suis sa voix... si j'arrive à guérir les gens, c'est en son nom et grâce à lui que je le fais. Ce n'est pas moi qui guéris, c'est le Seigneur. Moi, je ne suis que son serviteur... et c'est d'ailleurs toujours ce que j'ai dit haut et fort!

Votre ami,

Grigori Raspoutine

Tiré de cet excellent site :

http://www.dialogus2.org/RAS/votregrandeurestmon.html